AMERICAN BEAUTY

L'Amérique dans toute sa splendeur

American Beauty de Sam Mendes n'aurait pu être qu'une simple chronique, le portrait craché d'une famille modèle. Et non. Là, c'est la famille qui va non seulement cracher sur les portraits modèles mais aussi et surtout les faire valser aux quatre coins de la pièce et du territoire 'ricain.

Papa aurait pu n'être qu'un simple employé modèle, coincé entre son adorable emmerdeuse de fille et sa ravissante maniaco-hysterique de femme. Maman aurait pu n'être qu'une simple petite bourgeoise, modèle féminin à mi-chemin entre la frigidité d'Hillary Clinton et les tailleurs de Lady Di. Ou l'inverse d'ailleurs. Fifille aurait pu n'être qu'une ado comme les autres, agressive et renfermée, armée d'une meilleure amie nympho. Quant au fiston du voisin, il aurait pu n'être qu'un enfant modèle s'habillant comme un témoin de Jéhovah pour plaire aux exigences de papa, retraité des marines. Et là, il ne manquerait plus qu'un drapeau planté dans le décor et un fond musical tendance "America America" pour s'imaginer une campagne de pub propagandiste vantant les mérites du modèle familial américain, bien meilleur que les autres évidemment.

Et là, j'aurais terminé ma critique, vous laissant le goût d'un film aussi passionnant qu'un épisode des Feux de l'amour, le sexe en moins si peu qu'il y en ait.

Mais justement, derrière le titre limite arrogant d'American Beauty se cache une formidable et universelle crise de la quarantaine où les parents (re)découvrent le sexe, comme les prépubères d'American Pie : papa se tripote sous la douche parce que maman refuse qu'il la touche puis se découvre une passion pour la muscu et les pétards tout en imaginant fourrer sa langue dans la bouche de la meilleure amie. Maman se prend un amant et un flingue. Fifille ne suit plus rien. Quant au fiston du voisin, il se fait une fortune en dealant avec papa sous les coups de son propre père, neo-nazi comme il faut. Bref, un modèle familial qui tache comme le gros rouge, ravagé par les démons de midi des voisins.

American Beauty est peut-être une comédie : on rit férocement devant l'imbécillité de l'excellent Kevin Spacey qui fait de la gonflette pour plaire à une nymphette, devant la ménauposée Annette Benning, préoccupée par l'état de son canapé à 4000 $ en plein ébat sexuel, devant les parties de jambes en l'air où les jambes sont vraiment en l'air. On rit, mais on rit jaune parce que tout cela sent étrangement la réalité. Et la comédie vire très vite au drame familial où tout se remet en place un peu trop tard. Parce que la fameuse crise de la quarantaine n'est qu'une illusion et ce grand besoin de respirer est très vite étouffé par cette réalité : quand on est père de famille, on le reste, quand on est mari, on le reste aussi. En tout cas pour la santé mentale des enfants, merci.

American Beauty n'est pas une bombe mais, encore mieux, l'excellent reflet de la réalité. Et parce que ce n'est peut-être pas votre réalité, allez jeter un coup d'œil voyeur sur la vie vitriolée d'une "paisible" famille américaine... Et savourez la votre.

Amandine Scherer

 

Retour au sommaire