MAGNOLIA

Le mois qui s'est écoulé a permis de mesurer l'influence exercée par Robert Altman auprès des jeunes cinéastes américains. Après Les Rois du désert de David O. Russell où plane l'irrespect et l'insolence de M.A.S.H., le dernier film de Paul Thomas Anderson se place lui aussi sous le glorieux patronage d'Altman. A la vision de Magnolia, les similitudes sont flagrantes : multiplicité des personnages, absence d'intrigue véritable, duréee (3 heures, ce qui reste culotté au sein de la production américaine , surtout lorsqu'il ne s'agit pas d'un film d'action).

Mais ce qui fait l'originalité de Magnolia se situe dans un parti pris de mise au scène qui insuffle au film une saveur particulière. En effet, Anderson reprend à son compte les recettes du "soap-opera" : fixité de nombreux plans, abondance de champs/contrechamps, absence d'ellipse temporelle (on retrouve la scène là où on l'a laissée). Toutefois, il ne s'agit pas d'un effet gratuit et tape-à-l'œil et ce choix se justifie pleinement par la place qu'occupe la télévision dans le film. la deuxième heure (la plus passionnante) s'articule autour d'un jeu télévisé, What Kids Know ("Ce que savent les enfants") où s'affrontent enfants et adultes.

Ce jeu cristallise tout le propos du film qui met en scène des enfants en conflit avec leurs parents, responsables d'avoir gâché leurs vies. Ainsi, le présentateur est (sans doute) coupable d'attouchements sur sa file, le producteur ne voit plus son fils depuis des années et un des enfants candidats est manipulé par son père comme l'avait été un autre "petit génie" avant lui. Magnolia montre alors son véritable visage : celui d'une tragédie de la paternité. "Le poids des fautes des pères pèseront sur les enfants". Cette phrase d'Hamlet de Shakespeare citée dans le film scelle la tragédie qui unit les personnages, celle de la paternité non assumée. Seule une intervention du ciel (au sens propre comme au figuré) permettra de solder définitivement les comptes.

Film ambitieux, Magnolia pêche par excès de didactisme (un prologue trop explicatif, une morale trop appuyée) et souffre de quelque longueurs, notamment dans la dernière heure. Mais il reste tout de même très intéressant et par bien des aspects passionnant. On attend déjà avec impatience le prochain film de P.T.Anderson tant son talent est évident.

Sébastien Warnet

 

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