PRINCESSE MONONOKE

LES DESTINS ANIMES DE MIYAZAKI

Qui aurait cru que les forêts nippones recèlent autant d'animaux dieux et autres monstres nonchalants au coeur tendre avant que Miyazaki nous en fasse le dessin ? Personne, sans doute, et c'est bien malgré nous qu'il nous faut découvrir assez tardivement Mon Voisin Totoro (1988) et Princesse Mononoké (1997), deux beaux films d'un maître de l'animation japonaise, Hayao Miyazaki. Dans la grande tradition du film d'animation, les deux films s'amusent à tracer des destins de personnages au beau milieu ou autour d'une nature verdoyante (et en danger), immense forêt ou campagne découverte, où tout rêve, toute légende, et toute foi, sont permis : c'est pourquoi des animaux-dieux y trouvent logiquement refuge, et que les créatures les plus fantasques s'y cachent.

C'est ainsi que Totoro apparaît aux yeux de deux petites filles, grosse boule de poil qui ne ressemble à rien de connu, les entraînant dans un monde fantastique à la Lewis Carroll bien loin des soucis causés par la maladie de leur mère. C'est toute la finesse et la clairvoyance de Miyazaki, loin des standards américains, de créer ce monde aux 1001 merveilles dans le but de pallier à la tristesse de ces deux enfants : derrière une haie touffue, se joue la part de rêve de l'inconscient enfantin où l'imaginaire permet d'améliorer le réel vécu. Exit, le thème de l'incompréhension de la mort ou de la fatalité de la maladie, le destin des deux petites héroïnes est doucement dicté par ces monstres gentils, les Totoro et autres compères, où il convient d'être en harmonie avec la Nature (écouter le vent dans les arbres, regarder pousser des fleurs) pour l'être avec soi même.Le message, mièvre au premier abord, reste d'une légèreté somnambule dans son traitement, Miyazaki privilégiant l'alliance poétique du plan fixe et du silence (la petite fille attend le bus sous la pluie en compagnie d'un Totoro : il ne se passe rien, l'incongru ,seul, sert d'événement) malgré quelques délires enchantés (l'apparition du chat-bus excentrique). Le film prend alors son temps pour créer ce bel univers et le spectateur au même titre que les héroïnes a l'impression agréable de se réveiller d'un doux songe où seul l'optimisme est autorisé.

Moins intimiste, Princesse Mononoké voit, lui, s'affronter des destinées au travers d'une forêt immense où les animaux sont des dieux chargés de protéger l'environnement. A la lenteur de Totoro, répond le rythme endiablé et torturé de Mononoké : Miyazaki se propose ici de livrer une fresque grandiose, violente, haletante, complexe, dans l'espoir de retrouver l'esprit de ces légendes d'aventures teintées de fantastique. Plus épais, les personnages atteignent une dimension rare, presque tactile, tant leur désarroi, leurs tourments sont rendus palpables à l'écran. La Nature lieu de bataille, d'amour et de haine, est le cœur battant et mourant de ce grand film politique explorant les traumatismes passés (la bombe atomique) ou à venir (pollution, destruction, fabrication d'armes) de toute une civilisation.

Ainsi, les destins mis en scène par Miyazaki sont donc, non seulement, particulièrement bien animés, mais mieux, ils sont aussi en vie.

Laurent Blanchard

 

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