LES ROIS DU DESERT

Sous le soleil de Sadam

La guerre du Golfe est enfin terminée : tout le monde fait la fête dans le camp de vacances... pardon militaire quand trois soldats américains découvrent dans le trou du cul du monde le moyen de se faire une retraite dorée et de rentrer au pays les bras chargés de lingots. Mais les Irakiens ne sont pas encore prêts à se faire entuber...

Je sais d'ores et déjà ce que je vais entendre : encore un bon gros film américain, encore une bouffonnerie sans nom, encore du patriotisme exagéré, encore de belles gueules formatées. Et bien non. Ou presque non.

Les Rois du désert est la bonne surprise de ce début d'année. Réaliser un film sur l'évènement historique le plus manipulé par les médias, c'est déjà intéressant, faire des soldats américains des trublions qui volent le voleur, c'est même alléchant. Mais virer sur une dénonciation de la politique américaine d'après-guerre à coup d'humour et d'explosion, alors là c'est carrément dément.

Et c'est exactement le film qu'a réalisé David O.Russel, truffant son parcours de tirs et d'explosion ralentis, pour mieux en juger les conséquences, plantant dans le désert irakien Georges Clooney (la voilà la belle gueule formatée) plus "Doug Ross" que jamais, Mark Walhberg, moins dénudé que dans Boogie Nights (dommage... pourtant il doit faire chaud dans le désert, non ?) et Ice Cube, rappeur d'origine, acteur tirant la gueule d'adoption. Sans oublier Said Tagmahoui, nouvelle fierté francaise "adoptée" par Hollywood qui se métamorphose ici en tortionnaire irakien et Spike Jonze, qui après nous avoir embarqué Dans la peau de John Malkovich se retrouve dans la peau d'un abruti. Mémorable.

Mais ne vous fiez surtout pas à la bande annonce : même si aucun soldat Ryan n'est à sauver, Les Rois du désert n'est pas Hot Shots pour autant. L'après guerre est prise très au sérieux. Et nos trois soldats (bon, d'accord trois et demi si on compte Spike Jonze) vont dévier des sentiers battus dirigés droits vers l'or pour sauver une poignée d'irakiens. Des sacs Vuittons remplis de lingots contre quelques vies humaines : pas de l'héroïsme américain, juste un peu d'humanité qui vous empêche de fuir.

Derrière l'étiquette si facile de "bouffonnerie américaine", David Russel a caché des scènes à la limite de l'insoutenable, n'hésitant pas à nous montrer l'effet d'une balle sur l'anatomie humaine, des scènes où les cadavres se comptent un par un et non par paquet (la rumeur dit d'ailleurs que l'un d'entre eux est vrai), où la dose prescrite d'humour n'est pas dépassée. Un film où personne n'est meilleur que les autres, un film qui se moque tout en racontant insidueusement un petit peu d'Histoire. Et sur une fin tachetée d'humour, Russel nous laisse complètement ahuris parce qu'on ne s'attendait absolument pas à ça et que finalement on est bien content d'avoir mis 40 francs dans cette "bouffonnerie américaine"...

Alors à défaut d'aller voir d'excellents films francais qui se font rares, il nous reste toujours ces bons "petits" films américains qui ont au moins le mérite de critiquer leur pays sans prendre de gants et sans se prendre au sérieux.

Amandine Scherer

 

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