FIGHT
CLUB
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FIGHT FOR YOUR MIND
La première règle du Fight Club est : "On ne parle pas du Fight Club". Impossible. Tout ce qui pourrait vous clouer le bec est un uppercut. Et les coups de poing n'ont jamais traversé l'écran. Pourtant Fight Club vous empoigne par les tripes et s'enfonce jusqu'aux méandres de votre cerveau pour vous faire traverser celui du narrateur. Appelons le comme çà. Sa vie ou du moins ce qu'il en a dans sa tête, est écrasée le jour où il décide de s'impliquer à l'infini dans le Fight Club, le jour où il ne peut plus rien contrôler pas même sa tête. Si Fight Club était une campagne de pub, demain nous aurions tous quitté notre job bien ou im-parfait, notre intérieur trop ou dégeu-lasse pour rencontrer Tyler même si il n'existe pas, pour qu'il nous laisse plus d'autres choix que de nous battre, redevenir des animaux pas si sauvages que ça. Quitte à se faire sauter le caisson autant que ce soit à cause de Brad Pitt !
Trois choses que je sais sur Fight Club : Fight Club pue la sueur, pisse le sang, dégage une bestialité à la limite de l'orgasme parce que sexe et baston, même combat : aller jusqu'au bout. Fight Club vous bouffe le cerveau et vous dicte des ordres à coup d'images subliminales. Pas le choix : du Fight Club, vous en mangerez. Fight Club est un brouillon exceptionnellement bien rédigé. Apologie de la violence, ode à la schizophrénie, bras d'honneur à la vie "Merde in USA", historique des sectes modernes ? Peut-être çà, peut-être tout çà. Peut-être pas. Non, mieux vaut se taire et contempler cette apocalypse bourrée d'humour et d'explosif en rien (ou si peu) anarchiste. Seulement un film qui dit merde haut et fort. A quoi ? A tout mais sûrement pas au système puisqu'il en est un.
"J'ai encore rêvé d'elle… J'ai mal dormi…" : C'est un peu ce que Ed Norton doit se fredonner avant de rencontrer le savonné de Brad Pitt qui, même si il a des tablettes de chocolat, n'est pas un enfant de cœur pour autant. Ed, lui, est petit mais costaud : si ses yeux sont cernés, c'est pour mieux péter les plombs et, tel un caméléon sous acide, passer du cadre bien allumé à un être en perte d'identité. On s'en fout que Brad Pitt soit beau et qu'il fasse crier toute la journée Helena Bonham Carter, au pieu bien sûr et non sur un ring. Le principal ? Qu'il soit vicieux à souhait, manipulateur de petits jouets humanisés et d'esprits bien ramonés. Homme ou femme : il semble tous les aspirer sous ses mains pour les construire ou les déconstruire. Mais Fight Club refuse toute étiquette. Fight Club n'est pas une marque déposée. Fight Club ne tolère pas la violence, n'autorise pas le vandalisme "pour" la bonne cause, ne vous pousse pas après la séance à vous tirer une balle dans la tête, à provoquer votre pauvre concierge qui ne demandait qu'à dormir ou à pulvériser votre appart' qui n'était même pas le vôtre au cas où vous l'auriez oublié. Non. Il nous montre simplement ce qui se passe dans la tête d'un mec. Et dieu sait ce qui s'y passe. Si Fight Club était une secte, Fincher en serait le gourou mi "je m'enfoutiste", mi "garde à vous". Et sur le devoir de l'élève Fincher, on lirait "organisez vos idées". Sur quoi il répondrait "organisez les vous-même" !
"Where is my mind" se demande Franck Black à la fin du film. Celle de Ed Norton est à mi-chemin entre une histoire de "Fight" et une histoire de "X". Celle de Brad Pitt est là, dans la bestialité, qu'elle soit humaine ou animale. Quant à celle de David Fincher, elle est au-dessus de la notre. Juste au-dessus. Fight Club est une gigantesque farce, une satire de notre monde ou de ce qu'il pourrait être, baignant dans l'ironie : regardez mais ne touchez pas. On croyait tous posséder Fight Club avant sa sortie, on l'avait entre nos mains, mais c'est lui qui nous possède du début à la fin, si fin il y a. Et c'est en cela que Fincher nous laisse sur le carreau avec sa bombe remplie de savon. Mais faites attention : ça glisse …
Amandine Scherer