ROSETTA - L'HUMANITE

FILM SOCIAL

Cannes 1999. La Palme d'or revient à Rosetta des frères Dardenne, le Prix du Jury à L'Humanité de Bruno Dumont. Si la critique de gauche saute au plafond, celle qui défend un cinéma commercial hurle : " Et Almodovar ! " (Prix de la mise en scène seulement !), et celle qui défend un cinéma plus " intello " crie au scandale : " Cronenberg nous joue la carte de la provoc' ! ". Car le cinéma social est-il du cinéma ?

Prenons Raining Stones de Ken Loach. C'est Le Voleur de bicyclette : même sujet, même traitement " néo-réaliste " ; ainsi, même si le film est cohérent, il ne fait que reprendre une certaine forme préexistante. Cependant, est-ce vraiment sa faute ? ou plutôt est-ce celle d'un monde qui, en cinquante ans, n'a pas changé ? Le film ne nous pousse-t-il pas à nous interroger sur notre (soit-disant) évolution ?

Rosetta et L'Humanité sont des films nécessaires. Le premier peut directement faire penser à Ken Loach… en plus noir : Rosetta ne fait qu'y tourner en rond (les scènes se répètent), sans parvenir à s'en sortir (le film se clot en laissant une impression de spirale sans fin); et le tremblé de la caméra nous plonge dans un monde sur le point de basculer. L'Humanité de Bruno Dumont, c'est autre chose. Si le film est réaliste, c'est plus en référence à Courbet (L'Origine du monde est cité) ou Vermeer (pour la lumière qui nimbe les êtres). Car sur une intrigue qui n'est pas l'essentiel, Dumont nous propose de longs plans-tableaux où les personnages apparaissent dans toute leur bassesse et leur beauté à la fois. Et elle est là " l'humanité " du film, dans le fait que chacun soit accepté tel qu'il est, sans misérabilisme ni angélisme. Car Dumont n'est pas un cinéaste social mais un peintre moral et, au-delà de tout discours idéologique ( le titre pouvait laisser prévoir le pire), un cinéaste novateur, prometteur.

David Lagain

Retour au sommaire