SLEEPY HOLLOW

La légende du cavalier sans tête

Après Edward aux Mains d'Argent et Ed Wood, Sleepy Hollow est la troisième collaboration entre le réalisateur Tim Burton et Johnny Depp. L'histoire en quelques mots : 1799, Ichabod Crane (Johnny Depp), inspecteur aux airs de Sherlock Holmes, est envoyé à Sleepy Hollow suite à ses propos jugés déplacés par rapport aux convictions de l'époque. C'est dans ce village isolé, aux abords d'une forêt lugubre, que le jeune Crane va se battre à coup de raison et de logique contre un adversaire dont la simple existence lui semble inconcevable. Et loin de s'avouer vaincu, notre héros s'acharne… quitte à encaisser quelques émotions trop fortes!

Avec Sleepy Hollow, Tim Burton reste fidèle à son univers où l'onirisme se teinte parfois de noir tout en restant trè s enfantin. N'a-t-il pas, d'ailleurs, pris pour incarner les deux personnages principaux, Johnny Depp et Christina Ricci (la petite fille de La Famille Addams), des acteurs à la physionomie enfantine? C'est son côté très "Halloween" qui rappelle plus particulièrement L'Etrange Noël de Monsieur Jack : les similitudes de décors, de jeux de lignes, de lumière, évoquant le mouvement expressionniste. On sent bien que Tim Burton, avec ce film, se fait un vrai plaisir de gamin. Les références aux films de son enfance, ceux de la Hammer, sont omniprésentes. Burton adorait ces films et s'en inspire, ici, ouvertement. Ne serait-ce qu'avec le passage furtif de Christopher Lee qui incarnait, autrefois, le mythique buveur de sang que l'on sait. En effet, le scénario de Sleepy Hollow est en certains points similaire aux films de vampires. On retrouve le personnage naïf, rationnel, qui part pour un monde dont les règles le dépassent. Mais cette fois l'ail et la croix cèdent la place au pentacle et aux formules magiques. Sur un plan plus esthétique, le traitement visuel des décors présente des similitudes avec le Dracula de Francis Ford Coppola qui, entre parenthèses, est le producteur du film de Burton.

Film policier campé dans un univers fantastique, "la légende du cavalier sans tête" transpire la violence. Elle est physique, morale, urbaine, rurale. La sorcellerie défie la science et la raison combat les croyances : les philosophies s'opposent. Le récit laisse de nombreuses pistes d'exploitation s'installer sans pour autant toutes les explorer. Cependant, le sentiment de frustration reste absent car l'histoire est menée à son terme tout en laissant diverses perspectives d'interprètation. Sleepy Hollow est en fait une intrigue relativement simple où les clés du récit n'échappent pas aux habituelles thématiques ciné matographiques telles que la vengeance, le pouvoir, le meurtre, l'amour… Et malgré cet aspect cliché du film, force est de constater que "ça marche", parce que Tim Burton croit au cinéma, au pouvoir qu'il a de faire voyager le spectateur dans d'autres mondes. Bien sûr, cela implique l'acceptation du parti pris du réalisateur, sinon gare à la déception. Pour apprécier Sleepy Hollow, il faut se laisser porter par l'histoire, ne pas chercher à résister à ce qui de prime abord semble complétement irréel. C'est notre côté enfant qui est sollicité, notre capacité à prendre le faux pour le vrai comme dans un rêve. On est proche de l'univers de Grimm et d'Andersen, même si l'ambiance est un peu plus noire, plus gothique. On retrouve cette trame narrative où l'âme pure lutte contre le mal et finit par le détruire, avec, en prime, quelques morales sousjacentes que le spectateur peut percevoir s'il va au-delà des images, de l'histoire de base. Il est ainsi possible de le décortiquer comme on décortique un conte pour en extraire toute sa richesse. Sleepy Hollow s'apparente à un véritable conte.

Cécile Petit

 

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